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.. Trains de vie ..

Le guichet (Manille)

Il entre dans la gare. Il s’approche du guichet. Poli. La cinquantaine avancée, des cheveux gris en bataille, mal rasé, des vêtements usés jusqu’au fil. Mais poli, d’abord. Il voudrait un billet pour Marseille.
"Ce sera pour quel jour ?"
La jeune employée pose les traditionnelles questions.
"- Vers quelle heure ?
- Plutôt le soir. Oui, vers 16h. Enfin, il faudrait que j’y sois le soir."
La jeune fille se penche sur le clavier de son ordinateur et commence à passer la commande.
La fille relève la tête. Là, elle comprend que ce qui aurait dû n’être qu’une simple commande risque de se révéler long et compliqué.
L’employée se retourne et modifie la commande.
"Le train ets à 15h44. Mais il est complet de toutes façons. Je suis désolée. Il ne reste plus que le train de 8h07 le matin, ou bien celui qui part à 22h13. Vous savez, Monsieur, le 22 c’est un samedi. Il y a forcément beaucoup de gens qui descendent sur la Côte. Par contre, le dimanche...
- ... Quoi ?? C’est tout ce qu’il y a comme trains ? Ah ! ça va encore me faire lever à pas d’heure, tout ça ! Tant pis. Va pour le train du matin. Une place en fumeur, hein ?"
**********
Derrière, il y a un jeune homme. Il attend. En fait, il vient pour le photomaton. Seulement quand il est entré dans la cabine, il s’est aperçu qu’elle ne rend pas la monnaie. Lui, il a 3 pièces de 10F en poche et un train à prendre. Et les photos, il en a besoin vite. 4 photos à 25F, c’est déjà assez cher ! Il ne va pas se mettre à donner des sous en plus aux voleurs qui exploitent ces machines !! Du coup, il s’est mis derrière le monsieur qui passe sa commande au guichet, qui est mal rasé et qui a des cheveux gris en bataille. Il ne pensait pas attendre longtemps. Un billet, ça prend 5 minutes quand on sait ce qu’on veut. Mais le type devant, il ne doit pas vraiment savoir ce qu’il veut : il n’arrête pas de dire une chose puis son contraire.
Une jeune fille entre dans la gare. Elle semble pressée, elle aussi. Elle regarde sa montre. Elle se met dans un coin, puis elle attend. En fait, elle attend également pour le photomaton. Mais avant de pénétrer dans la gare, elle a vu que le jeune homme attendait aussi pour le photomaton. Or ils sont pareils : ils pensent tous les deux qu’il n’y en a pas pour longtemps.
**********
La jeune fille pressée s’approche du jeune homme :
"Excusez-moi, mais, je pourrais passer au photomaton avant vous ? Je suis pressée.
- Bien sûr. De toutes façons, il faut que je fasse de la monnaie.
- Merci ."
Après une courte hésitation, elle se retourne et file se glisser dans la cabine. Elle tire le rideau. Pendant ce temps, au guichet, la conversation continue entre l’employée de la SNCF et l’homme qui veut partir pour Marseille :
"Pour le retour ? Et bien... Attendez... En fait, je ne sais pas trop quand je vais rentrer.
- Vous pourrez toujours prendre un billet depuis Marseille."
Derrière son guichet, la fille commence à s’impatienter. Heureusement, tous les passagers ne sont pas comme celui-ci, et certains savent ce qu’ils veulent !
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Clic clac ! La photo est dans la boîte. La jeune fille sort de la cabine et se met sur le côté pour attendre les 3 minutes réglementaires. Derrière le type qui passe sa commande, le jeune homme est toujours là. Il y a aussi 3 autres personnes. Un second guichet vient sans doute d’être ouvert, mais le garçon n’y va pas.
"- Ca y est. Je sais comment on va s’arranger ! Vous pourriez me faire une réservation pour le retour, donc à partir de Marseille, mais sans mettre de date ? Comme ça je verrai quand je pars, mais au moins je serai sûr d’avoir une place dans un train.
- C’est que, je ne pense pas que cela puisse se faire... Enfin, je vais essayer."
L’employée se tourne de nouveau vers son ordinateur et commence à taper. Les photos tombent. La jeune fille pressée jette un rapide coup d’oeil à sa montre, attrape la plaquette, et marche vers les portillons. Son regard croise celui du jeune homme. Puis elle descend sur le quai, ouvre la porte du train qui vient tout juste d’entrer en gare, et monte. Au-dessus, dans la gare, le type apprend qu’il faut qu’il donne une date pour prendre sa réservation. Derrière lui, on s’impatiente et le jeune homme n’a toujours pas fait ses photos.