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.. En toutes lettres ..

Entre parenthèses

J’ai envie de crier. Pas vous ? Je suis là, assise devant mon bol de café, mal réveillée, et j’ai envie de crier. Mais rien ne sort. Accablée, par la radio qui débite des choses que je ne veux pas entendre. Je ne veux rien entendre du procès d’Outreau, de cet Américain qui s’est fait trancher la gorge en Irak, des représailles d’Israël contre la Palestine (ou l’inverse, d’ailleurs), des actes de torture, de la famine au Soudan... Tout ça n’a pas sa place dans ma petite cuisine peinte en jaune, rehaussée de quelques touches bleu-lavande. Je vis dans une parenthèse du monde ; je vais prendre le RER dans ma petite gare en pierres meulières, rejoindre mon petit bureau tranquille avec vue sur la Seine ; comme il fait beau, j’irai déjeuner au resto ou en terrasse d’un café ; je vais laisser la journée couler lentement sur moi, comme hier et comme demain. Je me souviens encore que quand j’apprenais à tenir mon stylo (posé sur le majeur, maintenu par le pouce et l’index, pas trop près de la plume sinon tu te salis les doigts...), des enfants de mon âge apprenaient à manier des mitraillettes au Liban. Que peut-on faire pour que ça s’arrête ? Ce soir, le JT me montrera ce que je ne vis pas, bien à l’abri dans mes parenthèses. J’aurai mal aux yeux et aux oreilles, j’aurai le coeur qui se soulève. Et après ? Je regarderai le téléfilm gentil et joli qui suit les infos, à moins que je ne lise un roman à l’eau de rose, genre Vie New-Yorkaise d’une célibataire de 30 ans, mais surtout, ne pas inquiéter mon cerveau, ne pas faire battre trop vite mon petit coeur fragile... Pas d’émotions fortes, pas de violence, je veux sourire quand je suis chez moi.
Mais combien de temps peut-on accepter ça ? Les hommes se déshumanisent dans l’indifférence la plus totale. Peut-être est-ce ça, l’ère des technologies, l’an 2000 dont je rêvais enfant : nous sommes des robots, nous faisons la vaisselle, le ménage, les devoirs, nous allons travailler à la place de nos alter ego humains qui attendent un moment plus calme pour se lever. C’est ça le progrès ? Où sont passés les leaders de la paix, les vrais, ceux qui ne prenaient pas les armes, même dans les situations les plus désespérées ? Quels gènes avaient-ils qui ont disparu dans la désévolution de notre espèce ?
Gandhi, relève-toi, nous sommes devenus fous !