icones/haut.gif
icones/gauche.gif

.. Hors contexte ..

L’appartement (4) - La voisine

Je craque. Voilà 3 semaines que je suis réveillée chaque matin par Gilbert et Yanneck, tous deux à la recherche du bruit le plus désagréable qui soit pour me sortir des bras de Morphée. Ça a commencé tranquillement : au départ, ils attaquaient simplement au marteau le mur qui était devant ma fenêtre. Oui, en plus d’être devant la porte-fenêtre du salon, ce mur était devant celle de la mezzanine, devant la fenêtre de le chambre de ma colocataire, et devant la mienne. Pour la faire courte, il nous privait de lumière dans 4 pièces sur 2 étages. Ensuite, ils ont fait les coffrages en ciment pour que ça ait l’air joli. Puis, ils ont défait les coffrages (au marteau toujours, à croire que c’est le seul outil qu’ils sachent manier). Après, ils ont fait les deux balcons-terrasses : scier les poutres métalliques, visser les supports des poutres, installer les poutres, s’apercevoir que cela ne rentre pas, re-scier les poutres (toujours métalliques), installer à nouveau les poutres, insister avec un marteau, poser les plaques (métalliques) du revêtement, s’apercevoir encore que cela ne rentre pas, insister avec un marteau... Je ne suis pas revendicatrice dans l’âme, mais là, j’ai quand même une réclamation à faire : pourquoi, mais pourquoi est-ce qu’ils font ça le matin, alors qu’ils font de la peinture l’après-midi ? On ne leur a jamais dit que les honnêtes gens dorment à 8h30 ?
Ce matin, pourtant, j’ai bien cru que ça pouvait changer : je me réveille et, comme d’habitude quand j’ouvre les yeux, Gilbert me sourit par la fenêtre (j’attends toujours mes volets), Je m’enfouis à nouveau sous ma couette. Pas pour longtemps : quelques instants plus tard, l’interphone sonne. Je m’extrais de mon lit, enfile un pantalon et vais décrocher. C’est le propriétaire. C’est bien la première fois qu’il sonne. D’habitude, il aurait plutôt tendance à entrer d’abord, et à nous demander s’il nous dérange ensuite. Il veut discuter, mais il préfèrerait que je descende. Comme je souhaite également le voir, je descends. Et c’est là que je comprends : la voisine fait encore des siennes. La voisine, elle en a marre. Et je la comprends : ça doit faire près de deux ans que la parcelle est en travaux, alors le bruit toute la journée (je la soupçonne d’être au chômage, ou femme au foyer, mais y a-t-il vraiment une différence de nos jours ?), elle n’en peut plus. D’ailleurs, je me souviens qu’elle a menacé de lancer une grenade dans la cour, il y a quelques jours. A voir les mines déconfites de Yanneck (qui est d’un côté de la cour) et de Monsieur T (qui est de l’autre côté), je me demande si elle ne vient pas de le faire. Je jette un coup d’œil rapide vers elle (3 étage, bâtiment de droite). Elle a dans la main droite une bouteille de gin, dans la main gauche une de Perrier et hurle comme une hystérique. Moins de 5 secondes plus tard, la bouteille de Perrier explose dans la cour. Je crois que je réalise seulement à ce moment l’ampleur du problème : déjà plusieurs cadavres de bouteilles et autres pots en verre, un manche à balai, un tuyau (métallique) d’aspirateur jonchent la dalle de béton, et cela n’a pas l’air près de s’arrêter. Secrètement, j’espère que cet incident fera arrêter, au moins momentanément, le chantier. Je prends mon courage à deux mains et entreprend de longer les murs le plus discrètement possible pour rejoindre le proprio qui, lui, n’ose même pas exposer son ombre à la vue de la voisine, de peur de se prendre un projectile. Enfin, j’atteins le deuxième bâtiment, et nous pouvons discuter. Lorsque nous terminons, une voiture de police vient de s’arrêter devant l’immeuble. Pour la voisine.